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Les dissections de souris vont reprendre? C’est une aberration

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Les dissections d’animaux vont reprendre dans les collèges et les lycées. Un vrai retour en arrière pour Audrey Jougla, qui a enquêté pendant près d’un an dans des laboratoires français pour comprendre la réalité de l’expérimentation animale.

Un retour en arrière

Le 28 novembre 2014, la circulaire du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche résonnait pourtant comme un progrès en faveur des animaux et de notre rapport à eux.

Celle-ci interdisait en effet les dissections de vertébrés dans l’enseignement secondaire, se basant sur une directive européenne relative aux animaux utilisés à des fins scientifiques, qui incite à réduire au maximum le nombre d’animaux utilisés à leur substituer des méthodes sans animaux.

La circulaire autorisait toutefois les dissections sur les invertébrés, à l’exception des céphalopodes, ainsi que sur les vertébrés ou les produits issus de vertébrés lorsqu’ils font l’objet d’une commercialisation destinée à l’alimentation. Elle avait été adressée à l’ensemble des recteurs d’académie.

Mais le Conseil d’État vient de considérer qu’il n’y a pas obstacle à l’élevage d’animaux vertébrés, à leur mise à mort et à l’utilisation de leurs tissus et organes lorsque cette utilisation est destinée à l’enseignement scientifique dans les classes du secondaire.

Une aberration législative

Cette aberration consiste donc à se trouver face à une directive qui impose d’épargner des animaux lorsque des méthodes sans animaux existent, et un droit qui soutient avoir correctement transposé ladite directive en autorisant des dissections alors que des méthodes d’enseignement sans animaux existent.

Outre la bataille juridique, il s’agit surtout d’une bataille morale, et force est de constater que nous ne pouvons pas parler de progrès, ni même de conservatisme mais bien d’archaïsme et de régression.

Un syndicat à la manoeuvre

C’est le Snes-FSU, premier syndicat des enseignants, qui a initié la procédure auprès du Conseil d’État. Celui-ci affirmait lundi «soutenir la confrontation avec le réel, dans l’évident respect de la vie animale», ajoutant que les «solutions alternatives actuellement proposées sont loin de pouvoir remplacer la manipulation du vivant».

Et l’objection de conscience?

Nous sommes pourtant en droit de nous demander ce que les dissections, moment redouté par tant d’élèves, apportent de plus que toutes les méthodes pédagogiques d’enseignement citées plus haut.

Non seulement l’objection de conscience des élèves rechignant à pratiquer ce type de travaux pratiques est bafouée, ne leur laissant nul autre choix que celui de se plier aux dissections, mais le droit des animaux au respect et à la vie l’est plus encore.

Tuer une souris pour découvrir l’intérieur de son anatomie est-il justifié, alors même que cette anatomie peut être comprise par bien d’autres supports? Permettez-moi d’en douter.

Le rongeur est un être sensible

Pour revenir sur le terrain juridique, sachez que notre droit reconnaît un rongeur domestique comme un être sensible, alors que celui destiné à l’enseignement scientifique est toujours considéré comme un simple matériel.

C’est peut-être là une question sur laquelle les physiologistes devraient réfléchir: pourquoi une souris domestique mérite notre respect et non une souris de laboratoire? Quelle différence anatomique saurait justifier cette différence de traitement?

Dire que disséquer permet de se confronter avec le réel est une vision bien pauvre de ce en quoi consiste le monde animal et biologique, c’est le réduire à une conception mécanique, vidée de son intériorité et de sa complexité propre.

Et enseigner à des jeunes que tuer par curiosité est légitime, qu’ouvrir le corps d’un animal permet de le comprendre, c’est transmettre une vision déplorable de la condition animale.

Il est alors légitime de se demander de quel vivant fait-on l’apprentissage, et pourquoi faut-il si tôt que les élèves intériorisent ce type de rapports mécaniques et dépourvus de toute humanité aux animaux.

Où est passée la morale?

S’il y a une certitude que cette décision du Conseil d’État entérine, c’est bien que l’apprentissage du vivant se fait en 2016 en France au détriment de toute morale et de toute empathie.

Dans ce cas alors, permettez-moi de regretter que notre enseignement secondaire soit encore conduit par une logique héritée des vivisecteurs et de la médecine expérimentale, plutôt que des philosophes et des penseurs qui s’évertuent à inciter notre société à respecter les plus vulnérables et non à les instrumentaliser.

En autorisant la dissection dans les collèges et les lycées, messieurs et mesdames du Snes-FSU, ce n’est pas la connaissance du vivant que vous venez de favoriser, mais notre éthique que vous piétinez.

L’éthique est justement une autre manière de connaître le vivant, mais en le respectant.

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