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Les dépressifs souriants se confient sur le Web

Au travail, à la maison, en famille, sur les photos, ces personnes mettent un masque, comme elles le disent souvent sur les forums du Web, mais au fond d’elles-mêmes, elles ressentent un puissant mal-être: ce sont les dépressifs souriants. La Toile semble être le seul endroit où elles acceptent d’exprimer ce qu’elles ressentent, même si leur situation commence à être de plus en plus admise par les professionnels de santé.

Selon Women’s Health, les femmes atteintes par ce syndrome seraient des millions et plus nombreuses que les personnes atteintes par les formes les plus sévères de la dépression. Dans une étude réalisée par le magazine, 89% des femmes indiquant être atteintes de dépression ou d’anxiété affirment réussir à cacher leur mal-être et à mener leur vie quotidienne sans qu’il soit perceptible auprès de leurs proches ou collègues.

«Un sourire peut cacher bien des maux»

«Je cache mes sentiments. Quand je veux parler des choses qui vont mal, je ne trouve pas les mots, je ne sais pas comment m’y prendre. Et si j’y parviens, les gens oublient car dès le lendemain je me montre à nouveau sur mes beaux jours! Tout le monde pense que je suis heureuse. Cela me bloque, et m’empêche de parler de mon mal-être, on ne me prendra jamais au sérieux. Je m’en veux d’être comme je suis, j’aimerais ne pas être moi» témoigne Mélanie sur Doctissimo.

«Je suis en grande dépression depuis trois ans. J’essaye d’être plutôt sympathique, mais un sourire peu cacher bien des maux. Et j’arrive bien à cacher mon rôle. Les gens pensent que j’ai maigris à cause d’un régime. En réalité, c’est car je refuse de manger» suggère une autre femme.

Plus facile de sourire que de s’expliquer

En effet, «les gens les plus déprimés ne sont pas ceux qui se plaignent le plus. Ils ne demandent rien. Ils ont honte. Il y a autant de dépressions qu’il y a de personnes dépressives. La maladie se greffe sur une personnalité et modifie ses modes d’expression», expliquait à Madame Figaro David Gourion, psychiatre et ancien chef de clinique de la faculté de Paris.

Selon l’étude de Women’s Health, 62% des femmes atteintes de «dépression souriante» indiquent masquer leurs symptômes parce qu’«il est plus facile de sourire que d’expliquer ce que je ressens». Cependant, il ne faut pas croire que le fait de pouvoir camoufler ses émotions négatives soit un meilleur signe que d’être incapable de sortir de son lit des jours durant.

La moitié des malades a pensé au suicide

Avec des symptômes pourtant similaires (insomnies, perte d’appétit, stress…), c’est plus insidieux, voire dangereux, selon Women’s Health. Car la maladie devient alors invisible pour les proches, qui pourraient venir en aide d’une manière ou d’une autre, les personnes touchées estimant parfois pouvoir s’en sortir seules ou n’être peut-être pas assez malheureuses pour rechercher de l’aide, ce qui n’est pas forcément le cas: plus de la moitié des femmes interrogées pour l’étude du magazine américain ont déjà songé mettre fin à leurs jours.

Mais seulement un quart des femmes a attendu plus de cinq ans avant de demander de l’aide quand 35% ne l’ont même jamais fait. «Dévoiler leurs problèmes à leurs amis est comme admettre qu’elles ne sont pas parfaites et voir un thérapeute leur fait croire qu’elles ne peuvent pas y faire face», analyse la psychiatre américaine Catherine Birndorf, interrogée par Women’s Health, qui souligne que les «dépressifs souriants» ont tendance à être plutôt des personnes dont la carrière professionnelle, notamment, est florissante.

Le Web, bon et mauvais

53% des interrogées par l’étude confirment ne pas vouloir évoquer leur maladie parce qu’elles ne veulent pas paraître «faibles ou incontrôlable». D’où un recours éventuel aux forums du Web et leur anonymat. Même si cela comporte aussi des risques. «Le Web, c’est comme la rue: on peut y rencontrer des gens merveilleux comme s’y faire agresser. Quelqu’un qui souffre et qui s’expose peut se faire aider mais aussi se faire « tabasser psychiquement » avec des commentaires insultants, qui peuvent conduire au suicide», estime David Gourion.

C’est donc bien en levant ce tabou «IRL» et en se confiant à ses proches puis à un professionnel de santé que la solution se trouve, en évitant surtout de se dire que ce n’est pas si grave si les symptômes durent au-delà de deux semaines.

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Corentin Chauvel

Co-fondateur de Bom Dia Brésil, magazine spécialisé sur le plus grand État d’Amérique latine.